
« 570 M€ d’aide de l’UE pour le déploiement des bornes de recharge : une mauvaise idée »

Matthieu Dischamps, directeur général de Powerdot France, l’un des principaux opérateurs de bornes de recharge en Europe, estime que ces fonds devraient plutôt être utilisés pour créer un véritable marché pour le véhicule électrique. Explications.
Dans son plan pour soutenir l’industrie automobile européenne, l’UE a mis en avant plusieurs points comme l’assouplissement des objectifs 2025 en matière d’émission de CO2, le verdissement des flottes, le soutien à l’innovation, l’obligation de composants européens, ou encore la mise à disposition d’une enveloppe de 570 M€ pour accélérer le déploiement des bornes de recharge d’ici l’an prochain.
Sur ce dernier point, ces subventions sont-elles encore pertinentes, dans un marché où le maillage est déjà dense ? Pas du tout, selon Matthieu Dischamps (photo), directeur général de Powerdot France. « Le secteur de la recharge n’a pas besoin de nouvelles subventions. En France, le maillage des bornes de recharge est déjà très dense et les fonds privés ont largement pris le relais des financements publics. En effet, ces dernières années, les investissements privés se sont multipliés. Chez Powerdot, nous avons par exemple levé 250 M€ en fonds propres et 165 M€ en dette en deux ans, auprès de fonds et banques privés », argumente le dirigeant de la filiale française du Portugais Powerdot, l’un des principaux opérateurs de points de recharge en Europe.

© Powerdot
« L’enjeu aujourd’hui n’est plus de subventionner l’infrastructure, mais de créer un véritable marché pour le véhicule électrique. Les constructeurs prétendent peiner à écouler leurs modèles faute de demande. Ces 570 M€ devraient plutôt être utilisés pour stimuler la demande pour les véhicules électriques », suggère Matthieu Dischamps. Et de poursuivre son raisonnement : « La France a jusqu’ici adopté une approche coercitive du verdissement des flottes – objectifs, déclarations, amendes, etc. – sans contrôle réel, et surtout, sans résultats. À l’inverse, des pays comme la Belgique ont démontré qu’une politique incitative est bien plus efficace : en 2024, 40% des immatriculations de véhicules d’entreprise y étaient électriques, en mettant fin à la fiscalité avantageuse sur le thermique et en la redirigeant vers l’électrique. »
Matthieu Dischamps déplore qu’en France, « 6,2 milliards d’euros sont encore dépensés chaque année pour soutenir les véhicules thermiques dans les flottes professionnelles à travers des allègements de charges et des incitations fiscales », alors qu’il suffirait de « réorienter une partie de ces fonds vers l’électrique pour créer de la demande parmi les véhicules d’entreprises, sans aucun impact budgétaire ».
« Plutôt que de multiplier les subventions pour des infrastructures déjà largement financées par le privé, la priorité devrait être de lever les obstacles à l’adoption des véhicules électriques. Cela passe par des incitations ciblées, une fiscalité plus cohérente et un soutien renforcé aux entreprises et aux particuliers », conclut le dirigeant.