Attendre ou ne pas attendre la 5G : telle est la question
S’il ne fait aucun doute que la 5G est très importante pour l’avenir de l’IoT industriel, il existe de nombreux cas d’usage où la technologie LTE existante répond tout aussi bien aux besoins actuels, avec l’énorme avantage d’être largement et économiquement disponible dès aujourd’hui.
Par Stephen Mooney, responsable commercial Europe des produits sans fil d’Advantech, article adapté par Pascal Coutance
L’un des sujets brûlants du moment est l’introduction et le déploiement de la technologie 5G, et les avantages qu’elle peut procurer à l’IoT industriel (IIoT). Parmi les avantages potentiels de la 5G largement évoqués par les uns et les autres, on peut citer un débit de données supérieur, une meilleure pénétration, une faible latence permettant un fonctionnement en temps réel, une densité d’appareils mobiles plus élevée, un espace réseau public/privé flexible permettant des accords de niveau de service (SLA) en fonction des performances, ou bien encore la possibilité de concevoir des émetteurs-récepteurs de faible puissance destinés aux dispositifs alimentés par batterie à longue durée de vie.
Ce qui est moins évoqué, et donc moins bien compris par ceux qui envisagent d’adopter la 5G, c’est que ces avantages ne sont pas tous disponibles simultanément. En fait, certains s’excluent même mutuellement. Cela signifie que même si la 5G offre plusieurs moyens supplémentaires d’optimiser les caractéristiques du réseau de communication pour répondre aux exigences de déploiements d’applications spécifiques, elle ne saurait en aucun cas être une panacée contre tous les problèmes de communication mobile.
S’il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une technologie très importante pour l’avenir de l’IIoT, il existe de nombreux cas d’usage où la technologie LTE existante répond tout aussi bien aux besoins d’une application, avec l’énorme avantage d’être largement et économiquement disponible dès aujourd’hui.
Qu’est-ce que la 5G ?
La dernière génération de téléphonie cellulaire mobile présente un certain nombre de différences par rapport aux générations précédentes. La plupart des changements sont enfouis au cœur de l’infrastructure réseau. Ils ouvrent la voie à des protocoles d’accès radio plus souples, qui permettent d’augmenter la densité d’appareils mobiles, de créer des réseaux privés flexibles, et d’acheminer le trafic de manière plus efficace et plus fiable au cœur du réseau.
Au niveau des relais cellulaires, la technologie de mise en forme de faisceau (beam-forming) améliore la qualité du signal pour toute session individuelle, et de nouvelles bandes de fréquences sont désormais disponibles au-delà de celles utilisées par les précédentes générations d’équipements cellulaires. Ces bandes de fréquences additionnelles beaucoup plus élevées permettent une transmission plus rapide et donc des débits de données supérieurs, associés à des densités de dispositifs plus élevées, même s’il faut noter que les bandes de fréquences les plus élevées ne conviennent qu’à des applications sur des distances relativement courtes.
La 5G, meilleure pour certaines choses…
Cela signifie que le déploiement des réseaux 5G dans toute l’Europe va permettre d’envisager des applications irréalisables auparavant. Par exemple, à l’extrémité supérieure du spectre radioélectrique, l’extension de la bande passante et la faible latence permettront d’étendre les applications de surveillance vidéo en temps réel au-delà des limites imposées aujourd’hui par la présence d’une connexion filaire ou Wi-Fi.
Entre les deux, cependant, il existe un grand nombre de cas d’usage où il faut produire des rapports en quasi temps réel sur un volume de données moyen. Et là, les avantages de la 5G s’avèrent moins évidents. Permettre à une certaine cellule de pouvoir gérer un plus grand nombre de d’appareils d’abonnés est utile dans les environnements urbains très denses, et la mise en forme de faisceau devrait permettre d’améliorer les niveaux de service dans les zones rurales faiblement peuplées, mais ces deux situations restent très marginales pour la majorité des applications IIoT. Les mécanismes d’accès au réseau 5G offrent une meilleure sécurité implicite, ainsi qu’une plus grande flexibilité pour créer et maintenir des groupes d’accès privés au réseau. Mais en dehors d’un peu plus de facilité et peut-être d’un léger avantage en termes de coût, ces mécanismes n’apportent pas grand-chose de plus à ce que l’on peut déjà faire avec la technologie LTE dans la majorité des cas.
Il en va de même pour les applications bas débit, à faible puissance et à forte pénétration. La 5G s’appuie sur la technologie NB-IoT, qui est déjà disponible dans de nombreux déploiements LTE. Il est certain que les densités d’appareils considérablement accrues par la 5G permettront la coexistence de nombreuses installations dans des applications de surveillance non critiques, qui pourront à leur tour fournir les énormes volumes de données bas niveau grâce auxquelles les systèmes d’IA pourront fonctionner. Cela aura sans aucun doute des avantages pour les applications de villes et d’infrastructures intelligentes, ainsi que pour les équipementiers constructeurs d’équipements désirant ajouter de nouveaux services à leur offre. Il n’en demeure pas moins que cette fonctionnalité est essentiellement déjà disponible aujourd’hui via la technologie LTE.
Quid des réseaux privés ?
Un élément de la 5G largement cité comme un avantage majeur est la possibilité de créer des réseaux mobiles privés. S’il est vrai que les changements apportés au cœur du réseau faciliteront cette tâche, de nombreux utilisateurs potentiels ne réalisent pas qu’il est déjà parfaitement possible de déployer des réseaux LTE privés aujourd’hui. En effet, il existe de nombreux exemples de réseaux LTE privés déployés dans des usines ou d’autres environnements, pour générer des avantages techniques ou commerciaux.
Alors, faut-il attendre la 5G ?
À moins que votre application ne soit dans l’une des catégories décrites plus haut, il est très difficile de justifier d’attendre que le service 5G correspondant soit disponible, plutôt que d’utiliser aujourd’hui les réseaux LTE existants. L’avenir nous dira si le déploiement d’un réseau 5G présente finalement un avantage en termes de coût, mais le bon sens suggère que, comme toute nouvelle technologie, la 5G est susceptible d’entraîner un surcoût dans les premiers temps. Cette situation est aggravée par la volonté des fournisseurs de services cellulaires de rentabiliser rapidement leurs investissements, tant dans l’acquisition de licences de spectre radio, que dans le déploiement de la nouvelle infrastructure nécessaire à la prise en charge de la 5G. La hauteur de ces investissements et l’urgence de maximiser leurs premiers revenus vont probablement pousser les opérateurs cellulaires à se concentrer sur les applications à haut volume et à large bande passante, c’est-à-dire la vidéo et le haut-débit réclamés par les consommateurs, plutôt que sur les projets M2M courants.
Même lorsque les réseaux 5G seront omniprésents, les investissements réalisés dans les solutions LTE existantes seront préservés. Les spécifications 5G définissent l’utilisation de réseaux hybrides utilisant des RAN (Réseaux d’accès radio) 4G couplés à un cœur 5G, ou vice-versa. En fait, bon nombre des premières mises en œuvre ont été de nature hybride, l’accent étant mis sur les améliorations apportées au réseau central, ce qui signifie que la technologie sans fil des relais cellulaires restait la technologie LTE.
Tout ceci suggère que la stratégie raisonnable de mise en œuvre d’une architecture cellulaire en vue d’un déploiement M2M n’est pas d’attendre. Il s’agit plutôt d’analyser les besoins des applications et de séparer celles qui ne peuvent fonctionner qu’en s’appuyant sur une nouvelle fonctionnalité uniquement offerte par la 5G. Les autres, qui représentent probablement la majorité des cas, devraient être mises en œuvre dès maintenant, en se basant sur la technologie LTE, avec la certitude que l’investissement correspondant sera protégé. Les parties qui ont besoin de la 5G doivent être évaluées dès que les services nécessaires sont disponibles, afin d’être déployées parallèlement au déploiement existant, une fois qu’elles se seront avérées opérationnelles.