L’Europe rejette les engagements de Nvidia et ouvre une enquête approfondie sur son projet de rachat d’Arm
La Commission européenne annonce officiellement l’ouverture d’une enquête approfondie afin d’examiner le projet d’acquisition d’Arm par Nvidia au regard du règlement de l’UE sur les concentrations.
Les engagements de Nvidia présentés à la Commission le 6 octobre n’ont pas suffi à dissiper sa crainte : que le nouvel ensemble soit en mesure de restreindre l’accès des concurrents de Nvidia à la technologie d’Arm, et que le projet de rachat entraîne une hausse des prix, une diminution du choix et une réduction de l’innovation dans le secteur des semiconducteurs. La Commission dispose à présent de 90 jours ouvrables, soit jusqu’au 15 mars 2022, pour prendre une décision.
Le rachat du Britannique Arm par l’Américain Nvidia pour 40 milliards de dollars passe décidément mal (voir notre article) et risque au mieux d’être retardé. L’Autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) avait déjà constaté qu’il soulevait de sérieux problèmes de concurrence et a ouvert une enquête approfondie, justifiée pour des raisons de concurrence. L’Europe lui emboîte le pas avec les mêmes arguments.
« Même si Arm et Nvidia ne sont pas en concurrence directe, la propriété intellectuelle d’Arm est un intrant important dans les produits concurrents de ceux de Nvidia, par exemple dans les centres de données, l’automobile et l’internet des objets. Notre analyse montre que l’acquisition d’Arm par Nvidia pourrait entraîner une restriction ou une dégradation de l’accès aux blocs d’IP d’Arm, ce qui aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semiconducteurs sont utilisés. Notre enquête vise à garantir que les entreprises exerçant leurs activités en Europe continueront d’avoir un accès effectif aux technologies nécessaires pour fabriquer des produits semiconducteurs à la pointe du progrès à des prix concurrentiels », déclare sans ambages Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence.
L’opération envisagée a été notifiée à la Commission le 8 septembre 2021. Le 6 octobre 2021, Nvidia a présenté des engagements visant à remédier à certains problèmes relevés à titre préliminaire par la Commission. Toutefois, la Commission a estimé ces engagements étaient insuffisants pour dissiper clairement ses doutes sérieux quant aux effets de l’opération. Elle n’a dès lors pas consulté les acteurs du marché à leur sujet.
Arm concède des licences de propriété intellectuelle pour des unités de traitement, en particulier aux fabricants de semiconducteurs et aux développeurs de systèmes sur puce «SoC»). En acquérant Arm, Nvidia aurait le contrôle absolu sur les activités de technologie et de licence d’Arm. À l’issue de son enquête préliminaire, la Commission considère qu’Arm dispose d’un pouvoir important sur le marché de la concession de licences sur cœurs de CPU utilisées dans les processeurs. En conséquence, la Commission craint que l’entité issue de la concentration soit en mesure de restreindre ou de dégrader l’accès des fournisseurs de processeurs potentiellement concurrents de Nvidia à la technologie d’Arm. Il ressort de l’enquête préliminaire que l’entité issue de la concentration aurait également une incitation économique à se livrer à des stratégies de verrouillage susceptibles de réduire la concurrence sur le marché de la fourniture de processeurs dans de nombreux domaines d’application : CPU pour centres de données, contrôleurs d’interface réseau intelligents, semiconducteurs pour les systèmes d’aide à la conduite avancés, les applications d’infodivertissement, l’IoT, les consoles de jeux et les PC…
Au cours de l’enquête initiale, la Commission a coopéré étroitement avec les autorités de concurrence du monde entier. Elle poursuivra également cette coopération au cours de l’enquête approfondie.