Malgré les crises qui s’accumulent, l’industrie française du câble dépasse son niveau d’avant crise sanitaire
En 2021, le chiffre d’affaires des adhérents du Sycabel a progressé de près de 25%, pour atteindre 3,4 milliards d’euros, un niveau supérieur de 12,4% à celui de 2019. Mais la flambée du prix de l’énergie et des matières premières impacte durement la filière, qui assure garder le cap.
Forte baisse de l’activité en fibres optiques en 2019 du fait de l’importation massive en France de produits asiatiques, crise économique mondiale en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19, flambée des coûts de l’énergie et des matières premières en 2021, amplifiée en 2022 par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Rarement, l’histoire de l’industrie française du câble aura eu à subir une telle succession (voire superposition) de crises majeures pour ce secteur d’activité.
Et pourtant, l’activité 2021 des membres du Sycabel, syndicat professionnel qui regroupe à lui seul la quasi-totalité des câbliers, fabricants de fils électriques, de fibres optiques et d’accessoires associés, implantés sur le territoire français, est revenue à un niveau supérieur à celui d’avant crise.
Après la chute de 9,8% constatée en 2020, le chiffre d’affaires cumulé des membres du Sycabel a ainsi progressé de 24,7 % l’an passé pour atteindre 3,44 milliards d’euros. C’est 12,4% de mieux qu’en 2019. A noter que les exportations ont représenté 46,5 % du chiffre d’affaires en 2021, une part quasi stable.
Ayant anticipé la reprise et dans un contexte post-Covid de relance économique, les adhérents du Sycabel se félicitent d’être restés confiants dans l’avenir de leur profession. Grâce à leur mobilisation pour garantir la continuité énergétique et numérique des secteurs sensibles, l’activité de leurs clients s’est maintenue l’an dernier et la reprise s’est confirmée au niveau des infrastructures. Et en dépit de la hausse du prix des matières premières et de l’allongement de leurs délais d’approvisionnement, l’horizon s’est éclairci durant l’année 2021.
Des disparités notables malgré un bon résultat d’ensemble en 2021
Des disparités notables ont néanmoins été constatées en 2021 en fonction des produits et des secteurs d’activité. Dans le domaine des réseaux de transport d’énergie, les investissements dans l’hexagone se sont fortement contractés, contrairement à l’export qui augmente et retrouve son niveau de 2019. A l’inverse, les câbles de distribution d’énergie ont retrouvé des volumes équivalents à ceux de 2019 sur le marché national alors que les résultats à l’exportation se sont dégradés. L’activité basse-tension est restée en-deçà des chiffres de 2019, tandis que celle de la moyenne tension les a dépassés de 10 points. En ce qui concerne les câbles destinés à la construction et à l’industrie, 2021 s’est achevée sur une tendance prometteuse, avec des volumes supérieurs à ceux de 2019.
Plus inquiétant, les câbles de données ne se sont pas relevés. Aucun des segments de ce marché n’a retrouvé son niveau de 2019. Le plus touché est le marché des câbles à fibres multimodes qui, en 2021, ne représente que la moitié du volume de 2019. Les câbles à paires torsadées perdent, eux, 9,5 % par rapport à 2019 dans les installations tertiaires et industrielles et 21% dans les installations résidentielles.
Les résultats des câbles de télécommunications à fibres optiques se sont traduits, sur le marché national, par un fort rebond au premier semestre de 2021, suivi au deuxième semestre d’une baisse notable. En volume, le marché est inférieur de 17 points à celui de 2019, même si un gain de 25 points est enregistré par rapport à 2020.
Les volumes de câbles métalliques, pour leur part, accusent un repli de 9 points, moins important que ce qui était anticipé. Les actions concertées du gouvernement et de l’Arcep pour améliorer la maintenance du réseau cuivre peuvent y avoir contribué, selon le Sycabel, qui anticipe cependant que cette baisse va très fortement s’accentuer à la suite de la fermeture de la boucle locale cuivre annoncée par Orange. L’opérateur historique a en effet indiqué sa volonté de fermer graduellement son réseau cuivre à partir de 2023, tandis que le gouvernement a exprimé sa volonté de généraliser la fibre optique sur tout le territoire. La perspective est donc une substitution totale d’ici 10 ans.
Forte hausse du prix des matières premières et de l’énergie
Dès le début de 2021, le Sycabel alertait les différents acteurs de la filière que la crise d’envergure apparue au second semestre de 2020 sur le marché global des matières premières, provoquait des tensions sur les approvisionnements et des hausses importantes de prix. Les difficultés grandissantes des câbliers à s’approvisionner, notamment en matières plastiques, en cuivre et en aluminium, associées à une absence totale de visibilité, ont fait peser une forte incertitude sur la fabrication des câbles, indique le Sycabel.
Les métaux non-ferreux ont poursuivi leurs tendances haussières de 2020. Le cours du cuivre s’est par exemple apprécié de près de 20 % sur les huit premiers mois de 2021, alors que la flambée du cours l’aluminium, lui aussi très utilisé dans la fabrication des conducteurs de câbles, a été particulièrement marquée avec +35 % sur la même période. Il avait atteint quasiment 2750 dollars la tonne en septembre 2021, son plus haut cours depuis 10 ans.
Inquiétude sur le déploiement de la fibre optique en 2022
Autre source d’inquiétude pour le Sycabel, le secteur du très haut débit. L’Indicateur industriel de déploiement du Très Haut Débit du Sycabel fait état d’une forte baisse au second semestre 2021, après avoir progressé au cours du premier semestre. Sur le seul quatrième trimestre, la baisse des livraisons de câbles à fibres optiques s’est établie à 19%, revenant à des niveaux bas jamais observés depuis 2017.
Cette nouvelle chute brutale, après celle de 2019, s’explique en partie par le stade avancé des déploiements du FTTH (fiber to the home) dans le cadre du plan France Très Haut Débit, mais aussi par le niveau des importations en provenance d’Asie qui reste très élevé et ce, malgré le fait que la Commission Européenne ait décidé d’imposer des droits antidumping allant de 19,7% à 44% sur les importations de câbles à fibres optiques en provenance de Chine. Une décision intervenue trop tard dans l’année pour avoir un impact sur les résultats 2021, déplore le Sycabel. Le coup est d’autant plus rude pour l’industrie française de la fibre optique que cette baisse se cumule avec l’augmentation continue des coûts de production des acteurs du secteur, consécutive à la flambée des prix des matières premières, de l’énergie et du transport.
Dans ce contexte, le syndicat a réitéré son appel à utiliser en priorité des câbles à fibres optiques et accessoires produits sur le sol français ou européen, dans le respect des exigences techniques et des règles de l’art, les réseaux déployés étant majoritairement financés par l’état et les collectivités. Le Sycabel pointe ici un enjeu de souveraineté nationale et de vitalité des territoires visant de surcroît à asseoir le positionnement de la France à la pointe des infrastructures numériques dans le monde.
Au-delà des câbles à fibres optiques, le Sycabel rappelle que l’industrie du câble emploie plus de 7000 personnes en France, réparties sur environ 60 sites et 70 % des régions, avec une moyenne de 200 employés par site. Tous les sites de production sont par ailleurs certifiés selon les normes ISO 9000.
2022, situation chaotique…
Mais pour 2022, dans un contexte géopolitique chaotique, la principale source d’inquiétude des acteurs du secteur reste l’envolée des prix des matières premières et de l’énergie, compte-tenu de leurs poids prépondérants dans le prix de revient des câbles.
Le cours de l’aluminium, principalement présent dans le réseau de transport et de distribution de l’électricité, a pris plus de 50% en un an et a vu sa valeur doubler depuis 2020, pour atteindre un point haut le 9 mars dernier. La Russie, via l’alumine ou le fil machine, fournit en effet une part importante des besoins européens en aluminium. Quant au nickel, son cours a été multiplié par 3,5 pour atteindre 100000 dollars la tonne. Même le coût des tourets en bois est directement impacté, le bois de bouleau dont ils sont constitués venant majoritairement de Russie.
Le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine a fortement amplifié l’envolée du prix de l’énergie qui affichait déjà une augmentation continue et sensible depuis 2020. En dehors du coût de l’énergie utilisée pour la production des câbles, la hausse des cours du pétrole aura des conséquences durables sur les matières plastiques de base comme sur certains additifs incorporés dans les mélanges utilisés en câblerie, de même que sur les silicones et le polyuréthane utilisés dans les câbles spéciaux ou les matériels de raccordement. Les délais de livraison subissent déjà des allongements pouvant être supérieurs à six mois, et dans certains cas, les livraisons sont mêmes reportées à 2023, constate le Sycabel.
… mais le Sycabel entend garder le cap
Face à ces défis inédits, l’ensemble de la profession reste mobilisé pour trouver d’autres sources d’approvisionnement afin de limiter les répercussions des tensions actuelles sur la production et la livraison de câbles et de matériels de raccordement, tout en poursuivant ses efforts d’innovation et d’investissements industriels.
Le Sycabel a également mis en place des outils opérationnels, notamment le Baromètre des Matières Premières, lancé en mai 2021, sur les tensions ressenties dans l’approvisionnement de toutes les matières premières entrant dans la fabrication des câbles, autres que le cuivre et l’aluminium. Publié tous les 15 jours, ce Baromètre s’attache à informer les membres et les partenaires du Sycabel sur la crise et à sensibiliser ses partenaires à la nécessité d’exprimer leurs besoins prévisionnels pour que l’approvisionnement puisse être anticipé et planifié.
Et bien sûr, l’Indicateur industriel de déploiement du Très Haut Débit, lancé dès 2008 par le Sycabel et publié chaque trimestre, permet de suivre l’évolution du rythme de couverture du territoire national en THD et traduit la constante implication des industriels pour assurer la livraison des câbles et accessoires télécoms à fibres optiques nécessaires à l’exécution du Plan France Très Haut Débit.
Enfin, le Sycabel indique qu’il est impératif de se tourner vers les énergies renouvelables afin de réduire drastiquement l’utilisation des énergies fossiles et l’empreinte carbone.
Malgré ces crises successives et l’avenir incertain, l’industrie française du câble entend donc garder le cap et possède des arguments pour cela. Les crises ont notamment mis en lumière les atouts de ce secteur, en particulier un maillage dense sur le territoire des unités de production des adhérents du Sycabel afin d’assurer la proximité et la flexibilité des outils industriels qui n’ont jamais cessé de produire, bien qu’ayant ralenti, et ont pu reprendre à plein régime en sortie de crise.