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« Le rachat de ALL Circuits par DBG Technology nous permettra de produire plus en Europe »

« Le rachat de ALL Circuits par DBG Technology nous permettra de produire plus en Europe »

Propriété d’une société chinoise depuis 2015, le numéro un français de la sous-traitance électronique est en passe de se faire racheter par le 16è sous-traitant mondial, le hongkongais DBG Technology. En exclusivité pour ViPress.net, Bruno Racault, président de ALL Circuits, nous explique les raisons de ce choix et les bénéfices qu’il compte tirer de ce rapprochement, en particulier en termes de couverture géographique et d’activités pour ses propres usines.

Pouvez-vous nous faire un rappel sur l’actionnariat actuel de ALL Circuits ?

Bruno Racault –Depuis 2015, ALL Circuits est détenu par Aerospace Hi-Tech Holding Group, une entreprise dont l’actionnaire majoritaire est l’État chinois. Plus précisément, ALL Circuits est détenu à 61% par Hiwinglux S.A. et à 39% par IEE, société basée au Luxembourg et spécialisée dans les équipements de détection de passagers, les deux étant des filiales à 100% d’Aerospace Hi-Tech.

Pourquoi se séparer aujourd’hui d’Aerospace Hi-Tech ?

Bruno Racault – Tout d’abord, je tiens à dire qu’en tant qu’actionnaire, Aerospace Hi-Tech nous a accompagnés dans certaines phases importantes de notre développement, notamment en 2017 lorsque nous avons investi dans notre usine au Mexique et nous les en remercions. Mais ALL Circuits n’a jamais réellement été dans le cœur de métier d’Aerospace Hi-Tech. Pour poursuivre notre développement et étendre notre champ d’action, le temps était venu de tourner la page. En accord avec Aerospace Hi-Tech, nous nous sommes mis en quête d’un repreneur. Vous connaissez la suite.

Bruno Racault, président de ALL Circuits – © ALL Circuits

Justement, parlez-nous un peu plus de DBG Technology, la société qui va racheter ALL Circuits au printemps prochain.

Bruno Racault – DBG Technology est un grand sous-traitant électronique qui se place à la seizième place mondiale et cible essentiellement les applications télécoms et la téléphonie mobile, et, dans une moindre mesure, l’automobile. La société fournit notamment des cartes électroniques aux constructeurs automobiles chinois. DBG Technology a été créé en 1995, est coté à la Bourse de Shenzhen et est détenu majoritairement par des capitaux hongkongais. Elle emploie 30 000 personnes en Asie et dispose d’usines en Chine, mais également au Bangladesh, en Inde et au Vietnam.

Le montant de la transaction n’a pas été précisé dans le communiqué de presse. Pouvez-vous nous le communiquer ?

Bruno Racault – Le montant de la transaction s’élève à 733 millions de yuans, soit l’équivalent de 96 millions d’euros.

Pourquoi porter votre choix sur une nouvelle entreprise chinoise, en l’occurrence DBG Technology ?

Bruno Racault – L’important n’est pas la nationalité du repreneur potentiel mais l’adéquation entre sa stratégie et la nôtre et le fait qu’il coche le plus de cases possibles par rapport à notre idée du repreneur idéal. Les deux principaux critères étant, premièrement, que le futur actionnaire fasse le même métier que nous, à savoir de la sous-traitance électronique, afin que nous mettions en place une stratégie industrielle commune, et, deuxièmement, que nous ayons la garantie qu’ALL Circuits conserve son nom et que son management actuel continue à assurer le contrôle opérationnel du groupe de manière totalement indépendante. Ce second point a rapidement écarté l’idée d’une reprise par un géant américain de la sous-traitance. La piste européenne a aussi été mise de côté assez vite, peu de sous-traitants de notre continent étant enclins à investir dans une entreprise comme ALL Circuits qui réalise 75% de son chiffre d’affaires dans l’automobile, compte tenu de la crise actuelle de cette industrie en Europe. Non seulement, DBG Technology fait le même métier que nous, mais en plus, il nous garantit une pleine et entière indépendance dans la manière de gérer ALL Circuits.

La complémentarité semble également être le moteur de ce rapprochement avec DBG Technology.

Bruno Racault – Effectivement, ce critère faisait également partie des points clés pour le choix du futur repreneur. Cette complémentarité s’opère à plusieurs niveaux. Tout d’abord au niveau des spécialisations sectorielles, ALL Circuits couvrant en premier lieu l’industrie automobile mais également l’industriel et le médical, tandis que DBG Technology se focalise surtout sur les équipements grand public, bien qu’il se développe de plus en plus dans l’automobile. Ce rapprochement va, par conséquent, nous ouvrir de nouvelles opportunités de marchés.

L’usine de ALL Circuits à Meung-sur-Loire, dans le Loiret – © ALL Circuits

La complémentarité est également géographique. Ce rapprochement ajoute non seulement la Chine au réseau de fabrication de ALL Circuits, mais également l’Inde et le Vietnam, deux pays considérés comme des bénéficiaires majeurs du mouvement visant à réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine en tant « qu’usine du monde » en matière de solutions électroniques. Il est d’ailleurs intéressant de noter que certains de nos clients qui produisent en Asie nous ont conseillé de nous rapprocher de DBG Technology, justement pour la diversité de la localisation de ses usines en Asie. De son côté, DBG Technology bénéficiera de capacités supplémentaires en France, en Tunisie et au Mexique avec nos usines, des zones qu’il ne couvrait pas jusqu’ici. C’est pour nous une opportunité unique de faire venir en Europe une partie de la production électronique initialement basée en Chine, à l’heure où les constructeurs automobiles chinois inondent l’Europe de leurs véhicules électriques. En proposant nos services de sous-traitance électronique aux nouveaux entrants chinois sur le marché du véhicule électrique, cela leur permettrait de produire localement en seconde source en Europe et de réduire les risques. Pour nous, le rapprochement avec DBG Technology, c’est l’opportunité de produire davantage en France.  

Bref, cet ensemble constitué par DBG Technology et ALL Circuits permettra d’offrir des options de fabrication mondiale exceptionnelles à nos clients actuels et futurs afin de répondre à cette tendance de fond qui privilégie depuis quelques années une stratégie de production locale, au plus près des besoins des clients, plutôt que de tout centraliser en Chine.

Qu’en est-il du niveau technologique et de la qualité de fabrication de DBG Technology ?

Bruno Racault – Honnêtement, DBG Technology me fait penser à ALL Circuits, mais à plus grande échelle. Avec le même niveau technologique, la même exigence de qualité de fabrication, les mêmes équipements, notamment en matière d’inspection optique automatisée, le même degré d’automatisation de la production. Nous partageons la même idée que l’automatisation des procédés est le meilleur moyen d’allier qualité de production et coût optimisé. Chez ALL Circuits, cette automatisation poussée des process nous permet de produire aujourd’hui en France à un coût qui dépasse le coût en Chine de seulement 2 à 3%. Et si vous mettez dans la balance le coût du transport, on peut dire que les coûts sont équivalents.

Est-il prévu que du personnel de DBG Technology vienne travailler en France ?

Bruno Racault – Effectivement, il est prévu que quelques personnes de DBG Technology viennent chez nous et que quelques salariés de ALL Circuits se rendent en Chine. Nous devons apprendre les uns des autres sur la manière de travailler et de produire.

ALL Circuits est surtout présent dans l’automobile et dans l’industriel, des secteurs qui souffrent beaucoup actuellement. Comment voyez-vous l’évolution de la conjoncture dans ces deux secteurs ?

Bruno Racault – En ce qui concerne l’automobile, la situation est actuellement très difficile mais le virage de l’électrique est bel et bien pris et la tendance est irréversible. Sur le long terme, le passage à l’électrique est une manne pour les acteurs de l’électronique et ce n’est qu’une question de temps avant que le marché ne décolle réellement. Et il ne faut pas oublier le véhicule autonome qui, lui aussi, finira par arriver.

Pour ce qui est des applications industrielles, la situation tend actuellement à s’améliorer, avec une reprise des commandes. Le creux de la vague semble bel et bien derrière nous.

Propos recueillis par Pascal Coutance

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