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Electronique de puissance : ce à quoi s’attendre dans les mois à venir

Electronique de puissance : ce à quoi s’attendre dans les mois à venir

Patrick Le Fèvre, directeur du marketing et de la communication du fabricant suédois d’alimentations Powerbox (PRBX), filiale du groupe japonais Cosel, nous donne la primeur de sa vision des grands défis et enjeux de l’électronique de puissance, un secteur actuellement en pleine effervescence. M. Le Fèvre possède une longue expérience dans ce domaine, après avoir débuté sa carrière en France chez Micro-Gisco en 1982 et passé près de vingt ans dans la division « Power Modules » d’Ericsson.

Patrick Le Fèvre, quelles sont les principales tendances sur lesquelles va reposer la dynamique du secteur de l’électronique de puissance en 2021 ?

Patrick Le Fèvre Tout d’abord, il faut préciser que l’électronique de puissance est en évolution permanente pour accroître la densité de puissance tout en cherchant à réaliser des gains, même modestes, pour une plus grande efficacité. Et actuellement, on pourrait même parler d’effervescence tant les nouveaux matériaux dédiés et les nouvelles topologies d’alimentations devenues plus performantes, sont prometteuses.

Patrick LeFèvre, directeur du marketing et de la communication de Powerbox (crédit : Powerbox)

Pour en revenir à votre question, je dirais qu’en 2021, le secteur de l’électronique de puissance est sous l’influence de cinq grandes tendances : la réduction de la consommation d’énergie, l’intégration des alimentations dans l’écosystème MtoM (machine à machine), l’amélioration des solutions de stockage de l’énergie, l’accélération du développement des solutions de récupération de l’énergie, et, bien évidemment, la mise en œuvre toujours plus poussée des semiconducteurs à grand gap.

Pourriez-vous illustrer votre propos par un exemple applicatif ?

Patrick Le Fèvre Le commerce en ligne est l’exemple parfait pour illustrer ces tendances.

Dans la quête de réduction de la consommation d’énergie – depuis la récupération d’énergie jusqu’au réseau secteur -, l’industrie de l’électronique de puissance recherche en permanence des approches inédites pour gagner en efficacité. Les réglementations internationales et locales ont imposé aux constructeurs d’alimentations d’innover, mais nous voyons se développer des discussions concernant des réglementations plus strictes qui pourraient nécessiter de la part du secteur d’explorer des topologies et des matériaux inédits.

Le commerce en ligne était déjà en plein essor avant la pandémie de Covid-19. Mais avec les différents confinements ainsi que le télétravail et la réduction stricte des interactions physiques qui en découlent, le commerce en ligne a progressé de manière exponentielle, imposant ainsi une forte pression aux plateformes d’expédition, au stockage informatique et, d’une manière générale, aux chaînes logistiques. Au-delà des centres de données associés, nécessaires pour gérer le processus de commerce, les plateformes d’expédition et les entrepôts sont devenus gigantesques et constituent des gouffres énergétiques. Améliorer l’efficacité énergétique des plateformes de manutention et d’expédition a été la priorité de l’ensemble des principaux acteurs du secteur, bien que le pic de la demande en 2020 ait été un signal fort indiquant qu’il leur fallait reconsidérer la manière de consommer et de gérer l’énergie.

Quelles sont les implications au niveau des solutions proposées en matière de conversion d’énergie et d’électronique de puissance ?

Patrick Le Fèvre – Les alimentations ne consomment pas l’essentiel de l’énergie, mais si l’on considère leur position stratégique dans la chaîne opérationnelle, elles constituent clairement un élément essentiel dans le processus global visant à optimiser l’utilisation de l’énergie au sein de l’ensemble de la chaîne. En 2021, nous allons voir apparaître davantage d’alimentations évoluées, destinées aux plateformes de manutention et d’expédition utilisées dans le commerce en ligne. Elles intégreront non seulement des niveaux plus élevés de communication, mais sauront en outre stocker et restaurer l’énergie à partir d’ensembles de supercondensateurs, réduisant ainsi la consommation et les perturbations de pointe sur le réseau. Déjà expérimentées en 2020, ces alimentations ont été intégrées dans un écosystème complet incorporant une communication de machine à machine. Elles délivrent ainsi non seulement leur puissance sur une charge – par exemple des moteurs de convoyeurs – mais peuvent également détecter et adapter le niveau d’énergie à stocker dans des ensembles de supercondensateurs locaux (photo ci-dessous).

Alimentation PRBX 250W ENI250A24 avec stockage et gestion active de l’énergie pour les chaînes logistiques, s’intégrant dans les nouveaux écosystèmes de triage et de convoyage (crédit : Powerbox)

Qu’il s’agisse de radio-étiquettes (RFID) quasiment invisibles, alimentées par un signal radio et insérées dans un carton d’emballage, ou de capteurs placés sur des moteurs ou des éléments mobiles dont l’énergie est produite par des vibrations, les microsystèmes alimentés par l’énergie récupérée (energy harvesting) se développent également à un rythme très rapide. Ici encore, les nanotechnologies comme les nanotubes ouvrent la voie au développement de supercondensateurs miniaturisés à l’extrême afin de stocker suffisamment d’énergie pour alimenter capteurs et émetteurs.

Pour que cela soit possible, il est évidemment indispensable de disposer d’alimentations et de dispositifs de communication numériques mais le niveau de performances imposera aux ingénieurs spécialisés du domaine de concevoir de nouvelles solutions d’alimentation fondées sur les semiconducteurs à grand gap. Selon l’application et les tensions concernées, ils choisiront les technologies GaN (nitrure de gallium) ou SiC (carbure de silicium), les avantages des semiconducteurs à large bande contribuant à des activités de commerce en ligne offrant un meilleur rendement énergétique et une empreinte carbone plus basse.

Selon vous, quelles sont les briques technologiques de base les plus critiques pour accompagner cette évolution ? Et quelles sont les solutions possibles à partir de l’exemple du commerce en ligne ?

Patrick Le Fèvre – Depuis plusieurs décennies, les évolutions technologiques ont rendu possible l’amélioration de l’efficacité énergétique des alimentations. Celle dont l’impact s’est avéré majeur a été la mutation des alimentations linéaires vers les alimentations à découpage, suivie d’un certain nombre d’autres évolutions, jusqu’à ce que les alimentations numériques arrivent à leur tour sur le marché.

Bien que la commande numérique ait été présente sur le marché depuis plusieurs années, ce type de commande devient incontournable grâce à la technologie émergente des semiconducteurs à grand gap et à l’ensemble de leurs possibilités. Je suis persuadé qu’il s’agira d’un élément de construction majeur pour les concepteurs d’alimentations amenés à développer de nouveaux produits.

En matière de composants, les transistors à grand gap domineront sans aucun doute les autres technologies au cours de l’année 2021. Pour autant, les transistors à effet de champ de puissance en technologie silicium font eux aussi des progrès considérables et les concepteurs de systèmes d’alimentation devront procéder à des évaluations très fines pour choisir la technologie la mieux adaptée à leurs applications.

Le troisième élément de construction parmi les plus importants, selon moi, réside dans les transformateurs planaires évolués, croisés avec des technologies multicœurs. Toutes les alimentations ne nécessiteront pas des procédés de découpage à des fréquences de plusieurs mégahertz, mais pour répondre à la recherche constante d’alimentations de plus en plus miniaturisées avec des rendements supérieurs, les concepteurs de dispositifs de puissance devront envisager des types nouveaux de transformateurs et de techniques de bobinage. À ce titre, ils seront épaulés par les fabricants de ferrite qui développent des matériaux inédits, mais aussi par les logiciels d’intelligence artificielle qui réduisent le délai nécessaire pour concevoir et tester des transformateurs.

Convertisseur à très grande plage d’entrée intégrant une plateforme multi-transformateurs de conversion d’énergie contrôlée numériquement avec des étages de puissance utilisant la technologie à base de nitrure de gallium (GaN) (crédit : Powerbox)

À titre d’exemple spécifique, PowerBox conduit des recherches combinant la commande numérique, la technologie GaN, et les transformateurs multicœurs avec intercouplage avancé et performances régulées de manière automatique au travers d’un contrôle numérique. Ces dispositifs répondent à un large éventail d’opérations pour certaines applications industrielles qui nécessitent des gammes de tensions d’entrée extrêmement larges, mais aussi des sorties soumises à des exigences de charge répétitives. La réalisation d’un produit final est impossible sans combiner la commande numérique, la technologie des semiconducteurs à grand gap et des dispositifs magnétiques avancés (photo ci-contre).

Selon moi, de nombreux produits inédits créés en 2021, et au-delà, seront basés sur ces trois briques de base, qui, de manière certaine, comporteront davantage d’éléments de communication multicœurs pour faire pleinement partie d’un écosystème de machine à machine.

Quelle est la finalité du développement de la technologie SiC et GaN et quels sont les changements à prévoir avec cette évolution ?

Patrick Le Fèvre – L’intérêt des semiconducteurs à grand gap est de s’inscrire dans une situation similaire à l’époque où le premier Mosfet de puissance a été lancé. Certains ont immédiatement compris les avantages de la technologie à grand gap, et ce, en dépit de produits d’origine peu conviviaux car basés sur un mode d’appauvrissement (déplétion) qui nécessitait des circuits d’attaque très spécifiques.

Il y a maintenant cinq ans que les constructeurs mettent en avant les avantages de cette technologie, mais si le signal de la commercialisation a été émis, celui des applications nécessite un certain temps pour aboutir à une adoption massive.

Nous connaissons tous la fameuse courbe en dos de chameau qui reflète l’adoption d’une nouvelle technologie et le franchissement d’un creux. De nombreux concepteurs d’alimentation qui en ont une longue expérience ont franchi ce creux à plusieurs reprises, la plus récente traversée étant la mutation de la commande analogique vers le numérique qui a pris plus de dix ans pour atteindre un niveau significatif d’adoption.

Dans le cas des composants à grand gap, et en particulier le nitrure de gallium (GaN), les adeptes précoces ont effectué leur choix plus rapidement que certains ne l’avaient prédit quelques années auparavant. Il n’est pas surprenant que les ténors des industries du PC et des équipements mobiles aient été parmi les premiers utilisateurs. Si nous considérons simplement le nombre de chargeurs USB-C annoncés en 2020 incorporant des semiconducteurs GaN, c’est tout simplement remarquable. Et certains produits récents, comme le chargeur USB-C 50 W d’OPPO, sont tout bonnement incroyables !

L’intérêt du développement des semiconducteurs à grand gap réside dans la très faible résistance interne de ces composants et dans leur commutation extrêmement rapide. Nombre d’innovations voient ainsi le jour de la part des acteurs de l’électronique de puissance et de la conversion d’énergie, en particulier en matière de miniaturisation. Par exemple, l’approche EPC (Efficient Power Conversion) est très intéressante car elle réduit les pertes à un niveau très faible et permet de miniaturiser un convertisseur d’alimentation à un niveau sans précédent (photo ci-dessous).

Convertisseur à très haute densité de puissance – 48V / 12V pour les systèmes de télécommunication utilisant le contrôle numérique et des transistors à base de GaN (crédit : Powerbox/EPC)

Mentionnons également, et ce n’est pas anodin, le nombre impressionnant de webinaires techniques proposés au cours de la pandémie de Covid-19. Nombre d’entreprises ont considéré cette période comme une opportunité offerte aux concepteurs d’alimentations de participer à des formations en ligne et certaines entreprises ont indiqué avoir expédié plus de dix fois plus de kits d’évaluation qu’avant la crise sanitaire…

Si nous simplifions le marché en définissant deux segments : haute tension (avec la technologie SiC) et basse tension (avec la technologie GaN), nous observerons deux profils différents. Les applications haute tension, par exemple les véhicules électriques ou le solaire, concernent les transistors SiC. Pour ce segment, il ne s’agit pas d’une grande révolution, alors que pour les applications basse tension, il s’agit d’un phénomène relativement nouveau et les concepteurs d’alimentations sont en phase de découverte.

Considérant tous ces éléments, l’année 2021 s’avère donc cruciale pour la technologie GaN et il y a fort à parier que de nombreuses alimentations (AC/DC et DC/DC) particulièrement innovantes seront mises sur le marché en cours d’année.

Propos recueillis par Pascal Coutance

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