La Commission veut doubler à 20% la part de l’Europe dans la production mondiale de semiconducteurs d’ici 2030
Mardi, la Commission européenne a présenté sa « boussole numérique pour l’Europe », une vision, des objectifs et des voies à suivre pour une transformation numérique réussie de l’Europe d’ici à 2030. Dans sa présentation est inscrit noir sur blanc que « la production de semiconducteurs durables de pointe en Europe devra représenter 20% de la production mondiale ». Oui, mais comment ?
Le document de la Commission, précise que si la connectivité est une condition préalable à la transformation numérique, les microprocesseurs sont au début de la plupart des chaînes de valeur stratégiques clés telles que les voitures connectées, les téléphones, l’Internet des objets, les ordinateurs haute performance, l’Edge computing et l’intelligence artificielle. Alors que l’Europe conçoit et fabrique des puces haut de gamme, il existe des lacunes importantes, notamment dans les technologies de fabrication de pointe et dans la conception de puces, exposant l’Europe à un certain nombre de vulnérabilités, insiste Bruxelles.
Dans ce domaine, le niveau d’ambition proposé est que d’ici 2030, la production de semiconducteurs de pointe et durables en Europe, y compris les processeurs, représente au moins 20% de la production mondiale en valeur (c’est-à-dire des capacités de fabrication pour des technologies inférieures à 5 nm pour des nœuds allant jusqu’à 2 nm pour la production de puces 10 fois plus économes en énergie qu’aujourd’hui).
En clair, il faudrait au minimum en Europe une unité de production de prestations de fonderie capable d’intégrer les technologies les plus avancées. Or seuls TSMC et Samsung en sont capables aujourd’hui. Faudra-t-il, à l’instar de ce que font les Américains, les inciter financièrement à construire une telle fab sur le Vieux Continent ? En d’autres termes financer des concurrents asiatiques pour être encore davantage sous leur emprise ? Le débat est ouvert, mais la Commission ne le tranche pas.
Une boussole numérique pour l’Europe
La transformation numérique réussie de l’Europe d’ici à 2030 s’inscrit dans une cadre plus large. Pour la Commission, elle est cruciale pour réaliser la transition vers une économie neutre pour le climat, circulaire et résiliente. Il s’agit notamment de remédier aux vulnérabilités et aux dépendances, ainsi que d’accélérer les investissements, souligne sa présentation.
L’ambition de l’UE est d’être souveraine sur le plan numérique dans un monde ouvert et interconnecté, et de mener des politiques numériques « qui mettent les personnes et les entreprises en mesure de s’approprier un avenir numérique axé sur l’humain, durable et plus prospère ».
La communication propose de convenir d’un ensemble de principes numériques, de lancer rapidement d’importants projets multinationaux et de préparer une proposition législative établissant un cadre de gouvernance solide pour suivre les progrès – la boussole numérique.
La Commission propose une boussole numérique pour traduire les ambitions numériques de l’UE pour 2030 en termes concrets. Ceux-ci s’articulent autour de quatre points principaux :
1) Des citoyens disposant de compétences numériques et des professionnels du numérique hautement qualifiés : d’ici à 2030, au moins 80% des adultes devraient avoir des compétences numériques de base et 20 millions de spécialistes des TIC devraient être employés dans l’UE, dont un plus grand nombre de femmes ;
2) Des infrastructures numériques sûres, performantes et durables : d’ici à 2030, tous les ménages de l’UE devraient disposer d’une connectivité en gigabit et toutes les zones peuplées devraient être couvertes par la 5G ; la production de semiconducteurs durables de pointe en Europe devrait représenter 20% de la production mondiale contre 10% en 2020 ; 10 000 nœuds périphériques hautement sécurisés et neutres pour le climat devraient être déployés dans l’UE ; et l’Europe devrait disposer de son premier ordinateur quantique ;
3) La transformation numérique des entreprises : d’ici à 2030, trois entreprises sur quatre devraient utiliser des services d’informatique en nuage, le big data et l’intelligence artificielle ; plus de 90% des PME devraient atteindre au moins un niveau basique d’intensité numérique ; et le nombre de licornes dans l’UE devrait doubler ;
4) La numérisation des services publics : d’ici à 2030, tous les services publics clés devraient être disponibles en ligne ; tous les citoyens auront accès à leurs dossiers médicaux électroniques ; et 80 % des citoyens devraient utiliser une solution d’identification électronique.
La boussole établit une structure de gouvernance solide avec les États membres, sur la base d’un système de suivi prévoyant des rapports annuels sous la forme de «feux de circulation». Les objectifs seront inscrits dans un programme de politiques qui devra faire l’objet d’un accord avec le Parlement européen et le Conseil.
Pour mieux remédier aux lacunes de l’UE sur le plan des capacités critiques, la Commission compte faciliter le lancement rapide de projets plurinationaux combinant des investissements du budget de l’UE, des États membres et du secteur, s’appuyant sur la facilité pour la reprise et la résilience et sur d’autres financements de l’UE. Les États membres s’engagent à consacrer au moins 20% des financements prévus dans leurs plans pour la reprise et la résilience à la priorité numérique. Les projets plurinationaux possibles sont notamment une infrastructure paneuropéenne interconnectée de traitement de données ; la conception et le déploiement d’une nouvelle génération de processeurs fiables à basse consommation ; ou des administrations publiques connectées.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a déclaré : « L’Europe dispose aujourd’hui d’une occasion tout à fait unique de se reconstruire en mieux. Avec le nouveau budget pluriannuel et la facilité pour la reprise et la résilience, nous avons mobilisé des ressources sans précédent pour investir dans la transition numérique. La pandémie a révélé à quel point les technologies et les compétences numériques sont essentielles pour travailler, étudier et communiquer, ainsi que les points sur lesquels nous devons nous améliorer. Il nous faut maintenant réaliser cette décennie numérique de l’Europe afin que tous les citoyens et toutes les entreprises puissent accéder à ce que le monde numérique peut offrir de mieux. La boussole numérique que nous présentons aujourd’hui nous donne une vision claire de la manière d’y arriver ».
Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique, s’est exprimée en ces termes : « Le document que nous présentons aujourd’hui est le début d’un processus inclusif. Avec le Parlement européen, les États membres et les autres parties prenantes, nous travaillerons à ce que l’Europe devienne le partenaire prospère, confiant et ouvert que nous voulons être dans le monde. Et nous ferons en sorte que chacun et chacune de nous bénéficie pleinement du bien-être qu’apporte une société numérique inclusive ».
Le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, a quant à lui déclaré : « L’Europe, en tant que continent, doit faire en sorte que ses citoyens et ses entreprises aient accès à un éventail de technologies dernier cri qui rendront leur vie meilleure, plus sûre, et même plus écologique, à condition qu’ils disposent aussi des compétences pour les utiliser. C’est ainsi que nous façonnerons ensemble une Europe résiliente et souveraine sur le plan numérique dans le monde post-pandémie. C’est cela, la décennie numérique de l’Europe ».