Le Chinois DeepSeek bouscule les géants américains de l’IA et des semi-conducteurs
Inconnue il y a encore quelques jours, la start-up chinoise a semé un vent de panique outre-Atlantique et ébranlé les certitudes des géants américains de l’IA et des semi-conducteurs dédiés, avec le lancement de son outil DeepSeek R1. De quoi remettre l’Europe en selle sur le créneau de l’IA ?
Rarement une annonce technologique n’aura généré autant de réactions de la part des géants américains de la Tech, semant même une sorte de vent de panique sur les marchés financiers outre-Atlantique. A l’origine de cette effervescence, la société chinoise DeepSeek qui est passée en quelques heures, vendredi dernier, de l’anonymat le plus total à un statut de célébrité à l’échelle mondiale.
Cette start-up créée en 2023 et basée à à Hangzhou a ainsi affirmé avoir développé en quelques moins un outil d’IA générative nommé DeepSeek R1 et capable d’offrir des performances équivalentes à celles de ChatGPT4 (même si DeepSeek R1 se met à buguer dès qu’on le questionne sur les droits de l’Homme en Chine…). Le hic pour les géants américains de l’IA réside dans le fait que le coût de développement de DeepSeek R1 serait inférieur à 6 millions de dollars, alors qu’OpenAI a investi quelque 100 M$ pour développer la dernière version en date de ChatGPT. Cette IA chinoise offrirait ainsi un ratio performances sur coût de développement inédit qui permettrait de rebattre complètement les cartes dans ce secteur actuellement dominé par les Américains.
Par ailleurs, et toujours selon la start-up chinoise, DeepSeek R1 nécessiterait une puissance de calcul très inférieure à celle des modèles utilisés par les ténors américains de l’IA, ce qui laisse supposer qu’il n’est pas forcément nécessaire de déployer des supercalculateurs surpuissants ni de construire des datacenters gigantesques pour traiter les données générées par l’IA. Outre des investissements réduits, le déploiement de datacenters plus modestes limiterait l’impact environnemental du développement de l’IA. Enfin, les modèles de DeepSeek R1 sont open source, ce qui peut potentiellement permettre à toute entreprise de se déployer sur le marché de l’IA en exploitant les modèles du Chinois.
Impact potentiel sur l’industrie des semi-conducteurs
Si les affirmations de DeepSeek s’avèrent exactes, sa technologie aurait immanquablement un impact significatif sur l’industrie des semi-conducteurs : alors que ChatGPT4 fonctionne avec un grand nombre de puces Nvidia de dernière génération, DeepSeek R1 nécessiterait non seulement huit fois moins de processeurs, mais surtout des processeurs moins avancés. Le Chinois aurait ainsi utilisé des puces Nvidia d’ancienne génération – moins performantes, donc, que celles employées par ChatGPT4 – achetées avant les restrictions d’exportation vers la Chine imposées par les Etats-Unis.
Il n’en fallait pas plus pour chambouler les marchés financiers et fortement impacter les cours des champions américains de l’IA et des semi-conducteurs dédiés, à l’image de la capitalisation boursière de Nvidia qui a perdu 17% en 24 heures, soit près de 590 milliards de dollars qui se sont évaporés dans la nature ! Le cours de l’action est toutefois légèrement remonté depuis, mais reste encore environ 10% inférieur à son cours de vendredi dernier, juste avant l’annonce chinoise.
L’annonce de DeepSeek a également fait réagir au plus haut sommet de l’État américain. « J’espère que le lancement de DeepSeek sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu’il faut rester très concentré sur la concurrence pour gagner la course à l’IA », a ainsi déclaré Donald Trump. Même Sam Altman, le Pdg d’OpenAI, s’est dit « impressionné » par les performances de DeepSeek R1 au regard de son coût de développement.
Une opportunité pour l’Europe ?
Outre ce vent de panique, l’annonce de DeepSeek, qui intervient juste après celle de Donald Trump sur la mise en œuvre du plan Stargate à 500 Md$ pour développer l’IA aux Etats-Unis, pose question.
A-t-on réellement besoin d’investissements aussi vertigineux pour se positionner sur le créneau de l’IA ? N’est-ce pas là, la faillite de la stratégie américaine consistant à limiter drastiquement les exportations de puces avancées vers la Chine qui compenserait son manque de technologies de pointe par l’innovation ? N’est-ce pas également un espoir pour d’autres régions du monde, qui ne disposent pas de capacités financières aussi importantes que les Etats-Unis (on pense bien sûr à l’Europe), de se faire une place sur ce secteur ? Quelles pourraient être les répercussions sur le marché mondial des semi-conducteurs, sachant que c’est l’IA qui, depuis deux ans, le porte vers des sommets, alors que d’autres secteurs applicatifs des semi-conducteurs, comme l’automobile, freinent actuellement sa progression ?
Toutes ces questions n’ont bien évidemment de sens que si les affirmations de DeepSeek sont exactes et confirmées à l’avenir. Une chose est sûre : DeepSeek sera au cœur des discussions lors du Sommet international pour l’action sur l’IA, qui se déroulera à Paris les 10 et 11 février prochains.