L’UE poursuit ses efforts pour résorber la pénurie de main d’œuvre en semiconducteurs
Selon un rapport du Cabinet Décision pour le compte de l’European Chips Skills Academy, 75 000 postes dans le domaine des semiconducteurs ne pourront pas être pourvus d’ici 2030 en Europe, faute de candidats.
La pénurie de main d’œuvre et de compétences dans le domaine des semiconducteurs reste un problème au niveau européen. Et cela risque d’empirer dans les années à venir si rien n’est fait, d’autant que les financements liés à l’European Chips Act pour stimuler l’industrie des puces en Europe commencent à prendre de l’ampleur.
Ce constat est le point de départ de la création l’an dernier de l’European Chips Skills Academy (ECSA), une initiative financée par l’Union Européenne et coordonnée par Semi Europe, qui rassemble 18 partenaires à travers l’Europe travaillant ensemble pour combler le déficit de compétences dans le secteur des semiconducteurs, en développant des programmes de formation décentralisés et en encourageant la collaboration entre l’industrie et le monde universitaire. L’ECSA vient ainsi prolonger l’action du projet METIS (MicroElectronics Training Industry and Skills).
L’ECSA vient de publier le rapport Skills Strategy 2024 réalisé par le cabinet Décision Études & Conseil, qui décrit les approches stratégiques nécessaires pour faire face à la pénurie croissante de talents en Europe dans le secteur des semiconducteurs. Le rapport fournit des données sur la demande et l’offre de main-d’œuvre de l’industrie, tout en exposant des méthodes pour remédier à la pénurie de talents d’ici 2030.
Avec la croissance attendue de l’industrie européenne des semiconducteurs sous l’impulsion de l’European Chips Act, le rapport prévoit un taux de croissance annuel de l’emploi dans ce secteur de 5% d’ici à 2030, avec plus de 271 000 offres d’emploi attendues d’ici la fin de la décennie. Toutefois, le vivier actuel de diplômés n’augmente pas à un rythme suffisant pour répondre à cette croissance. Le rapport anticipe ainsi une pénurie de plus de 75 000 emplois techniques dans des postes clés tels que les ingénieurs aussi bien hardware que software, les techniciens et les spécialistes des données.
Pourtant, l’Europe a produit en 2022 plus de 1,1 million de diplômés autour des professions dites STIM, c’est-à-dire liées aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie et aux mathématiques, et 320 000 dans des domaines d’études liés aux semiconducteurs. Mais, selon le rapport, seuls 6% des diplômés européens dans ces domaines vont intégrer l’industrie des semiconducteurs, un grand nombre de diplômés optant pour des carrières d’ingénieur dans des domaines non liés ou pour des postes en dehors des secteurs traditionnels de l’ingénierie. Il est donc urgent et essentiel que l’Europe réagisse pour combler ce manque cruel de talents.
Au-delà du constat, l’ECSA prône diverses solutions à court et à long termes pour résoudre ce défi. À court terme, l’organisme suggère à l’Europe d’optimiser l’offre de main-d’œuvre existante en améliorant la mobilité à l’échelle de l’UE, en simplifiant les procédures de visa pour les travailleurs non ressortissants de l’UE et en favorisant la réorientation et la reconversion des salariés actuellement en poste pour répondre à l’évolution des besoins de l’industrie des semiconducteurs.
Sur le long terme, des initiatives de fond doivent également être lancées. « Les campagnes de communication stratégiques seront essentielles pour stimuler la croissance à long terme de l’intérêt des étudiants pour les disciplines liées aux semiconducteurs, souligne Laith Altimime, président de Semi Europe. L’afflux de diplômés dans les professions scientifiques et techniques vers le secteur des semiconducteurs sera d’autant plus important que la capacité de l’industrie à projeter une image innovante et attractive sera forte. »
Surtout, « la collaboration entre l’éducation et l’industrie doit être renforcée pour répondre à la demande à long terme de l’industrie des semiconducteurs, exhorte Raphaël Beaujeu, consultant senior chez Décision Études & Conseil et l’un des auteurs du rapport. L’alignement des programmes universitaires sur les besoins du secteur garantira un vivier durable de travailleurs qualifiés capables de stimuler l’innovation et la productivité en Europe. »
L’action de l’ECSA contribue de son côté à combler le manque de talents en proposant des formations pertinentes avec la contribution de l’industrie. Le vaste réseau d’entreprises impliquées dans l’ECSA aide notamment à promouvoir l’industrie des semiconducteurs auprès des diplômés STEM.
Le rapport Skills Strategy 2024 est disponible en cliquant sur ce lien.