Industrie électronique du futur : et maintenant, en route !
Hier soir, la profession a présenté à Paris dans les locaux de la FIEEC sa feuille de route vers l’industrie électronique du futur. Issu d’un travail collectif sans précédent, ce plan de transformation dresse une feuille de route très détaillée (140 pages) pour que la France prenne le leadership européen pour la production des objets connectés industriels. Aux acteurs désormais de s’approprier les outils pour incarner cette transformation, afin que le rapport ne reste pas lettre morte. Car l’objectif de la feuille de route pour l’industrie électronique du futur est de proposer un plan de transformation activable pour l’ensemble des acteurs de la filière électronique et leurs partenaires, des PME/PMI jusqu’aux grands groupes.
Ce document de 140 pages reflète le travail colossal effectué plus de 120 experts dans le cadre de la préparation du WEF d’Angers, par l’association We Network, le cluster qui fédère les acteurs dans le Grand Ouest sous la présidence de Vincent Bedouin, président du directoire du groupe Lacroix, ainsi que les syndicats de l’industrie électronique (Acsiel, SNESE, SPDEI).
Il part du constat que l’avènement de l’Internet industriel du futur (I-IoT) rebat les cartes et que l’industrie électronique française est à un moment charnière de son histoire pour profiter d’un alignement des planètes inédit. L’électronique est le socle industriel de la révolution I-IoT et les services de conception / production électronique sont le canal par lequel l’I-IoT va diffuser dans toute l’industrie. « La France dispose de tous les atouts pour incarner un leadership sur l’Industrie Electronique du Futur », est persuadé Vincent Bedouin. Cette vision, il convient de la partager et de la relayer. Grâce à son leadership dans l’électronique professionnelle, la structure de la production d’équipements électroniques en France fait que notre pays est peut-être le plus à même en Europe de transformer notre industrie vers le smart world de demain (voir article ci-dessous sur la présentation du cabinet Décision).
La révolution du smart world va toucher tous les secteurs industriels (intégrer par exemple des capteurs dans les fenêtres pour effectuer un diagnostic énergique) et cette filière est adressable par des PME et des ETI, assure Vincent Bedoin. Toutefois, il y a pour ces entreprises un risque de décalage et de décrochage (le syndrome du « pas les ressources, pas le temps ! »). Comment alors s’assurer que les sous-traitants français accompliront les transformations nécessaires pour saisir ces marchés ?
Le smart world entraîne en effet de nouveaux besoins et une complexification de la demande en électronique : plus de clients, de composants, de références , du support pour concevoir des solutions, des produits finis… et pas seulement une carte électronique, des prix tirés pour expérimenter des usages, des cycles de mise en marché court, être capable de passer rapidement du prototype à la grande série ou de tout arrêter si l’objet connecté industriel ne rencontre pas son marché. Pour un sous-traitant, ce n’est pas toujours aisé de travailler avec des start-up qui n’ont bien souvent pas de connaissance pointue en électronique et dont la stratégie est parfois influencée par des investisseurs qui parient sur leur succès rapide au mépris de la réalité de l’industrie. Par exemple, cela pose des problèmes, lors de l’élaboration des contrats, de partage de la valeur et de protection de la propriété intellectuelle. L’étude donne des pistes pour surmonter ces obstacles.
Sous la houlette du cabinet Roland Berger, les groupes de travail engagés en amont du World Electronics Forum ont permis de dessiner 7 grands chantiers pour la filière électronique professionnelle qu’il serait vain de lister ici sans entrer dans les détails qui en font tout le sel (le document complet est téléchargeables en bas de l’article). Insistons sur le fait de rendre la chaîne logistique plus flexible et plus réactive ou encore de faire converger les roadmaps composants et les procédés de fabrication. Mais c’est surtout le chantier de la formation qui sera plus périlleux. On le sait, attirer les talents est une problématique critique pour l’industrie électronique qui doit en outre faire face à une pyramide des âges défavorable.
Le mérite des travaux sous l’égide du cabinet Roland Berger est de dégager des solutions pour l’ensemble de la filière et un modèle de transformation associé pour faire descendre ces recommandations chez l’ensemble des industriels pour éviter un pays à deux vitesses.
Pour réussir cette transformation, le maître-mot est la coo-pétition : apprendre à travailler ensemble sur les technologies et les procédés de fabrication amont, s’unir pour accélérer notre transformation avant que la concurrence ne s’organise, etc. La préconisation de mutualiser les stocks de composants chez les sous-traitants pour créer de la fluidité nous semble en revanche assez utopique.
L’une des idées-forces préconisée dans la feuille de route est de développer une plateforme en ligne de mise en relation entre les acteurs traditionnels et les start-up de l’IoT : une place de marché entre l’offre et la demande qui s’apparente à un Meetic de l’industrie de l’IoT. L’idée est également de diffuser des outils pour guider chaque acteur de la filière dans sa transformation vers l’industrie du futur. Cela permettrait à chaque entreprise de s’auto-évaluer pour savoir où elle en est dans sa démarche et de bâtir sa propre feuille de route interne pour l’industrie du futur.
Une ou plusieurs plateformes pilotes physiques en régions dès 2018
Maintenant que le rapport est disponible, la priorité pour 2018 sera la mise en place d’un collectif industriel pour piloter et mettre en œuvre le plan d’action. L’intégration de l’électronique comme 7e filière stratégique de l’Alliance Industrie du Futur dès 2018 est également à l’agenda de 2018. La profession souhaite aussi rallier les grands donneurs d’ordre à son projet de transformation et obtenir un plan de financement national pour soutenir le développement de la filière. Elle cherchera une connexion avec le ZVEI en Allemagne pour aligner et consolider la feuille de route à l’échelle européenne. Surtout d’un point de vue plus opérationnel, devrait être décidé le lieu d’implantation d’une ou plusieurs plateformes pilotes physiques en régions, des vitrines pour catalyser la démarche et accélérer la feuille de route pour l’industrie électronique du futur. Ces plateformes seraient ainsi des lieux de rencontres pour les acteurs locaux de la filière, d’expérimentations, de formation et de recherche.
« Les groupes de travail se sont structurés : nous allons à présent les mettre en action pour prioriser les actions et nous évaluerons notre avancée à chacun de nos rendez-vous », promet Vincent Bedoin.
Deux rendez-vous de restitution des travaux de la feuille de route sont prévus en 2018, le premier est prévu les 4 et 5 Avril au Sido à Lyon.