Vers un European Chips Act 2.0 ?
Les ténors européens des semiconducteurs exhortent les dirigeants de l’UE à donner un second souffle à l’European Chips Act et à prendre des mesures fortes permettant de libérer la compétitivité de la filière en Europe.
L’Association européenne de l’industrie des semiconducteurs (ESIA) a récemment publié sur son compte LinkedIn ses recommandations clés pour le mandat 2024-2029 de l’UE afin de rendre l’industrie des semiconducteurs plus compétitive en Europe. Dans un document de 16 pages, les ténors européens des semiconducteurs ni vont pas par quatre chemins et réclament ni plus ni moins qu’un European Chips Act 2.0.
Si elle reconnaît que la loi européenne sur les puces électroniques a été une première étape importante dans le renforcement de l’écosystème des semiconducteurs sur notre continent, l’ESIA exhorte l’UE à passer rapidement la vitesse supérieure si elle veut atteindre l’objectif de produire 20% des puces dans le monde à l’horizon 2030, une ambition que beaucoup considèrent comme irréaliste compte tenu des investissements consentis par les autres grandes régions du monde productrices de semiconducteurs.
Avec un European Chips Act 2.0, l’objectif est donc non seulement de ne pas perdre l’élan impulsé par la première mouture de la loi européenne sur les puces mais également d’améliorer ses initiatives, de reconsidérer sa portée et d’évaluer ses lacunes.
L’ESIA prône pour une approche politique européenne intelligente, équilibrée et cohérente, avec des initiatives réglementaires et un cadre juridique plus favorable aux entreprises. « Des politiques contradictoires et des exigences administratives très lourdes entravent la capacité de l’industrie européenne des semiconducteurs à être compétitive à l’échelle mondiale et à prospérer, et, par conséquent, à contribuer à l’objectif global de l’UE en matière de résilience de la chaîne d’approvisionnement », souligne le document de l’ESIA.
Pour ce faire, l’ESIA demande à la Commission européenne de lancer sans délai l’Alliance pour les technologies des processeurs et des semiconducteurs (Alliance for Processors & Semiconductor Technologies) et à impliquer l’industrie dans les travaux du Conseil européen des semiconducteurs (ESB, European Semiconductor Board) créé en vertu de la loi européenne sur les puces. Au-delà, l’association demande la création d’un guichet unique pour la microélectronique dans la prochaine Commission, avec à sa tête un responsable de l’approche globale de la politique industrielle des semiconducteurs en Europe. L’ESIA milite également pour la création d’un intergroupe des semiconducteurs au sein du Parlement européen, afin de faciliter les échanges réguliers et de développer une base de connaissances durable.
L’association se montre également très critique vis-à-vis des restrictions commerciales engagées par l’UE envers la Chine. Si elle reconnaît la nécessité de protéger les actifs critiques et la logique qui sous-tend la stratégie de sécurité économique de l’UE, l’ESIA estime qu’une approche plus positive de la sécurité économique est nécessaire, fondée sur le soutien et les incitations, plutôt que sur une approche défensive qui repose sur des mesures restrictives et protectrices.
« En tant que l’un des secteurs les plus mondialisés, l’industrie des semiconducteurs nécessite un degré élevé d’ouverture tout au long de la chaîne d’approvisionnement », indique l’ESIA. Cela d’autant que « les fabricants de puces européens doivent être capables de servir les marchés mondiaux pour être compétitifs ».
L’ESIA appelle également les décideurs de l’UE à mettre en place des accords de partenariat internationaux, en particulier avec les États-Unis, le Japon et la Corée.
Par ailleurs, les ténors européens des semiconducteurs en appellent aux dirigeants de l’UE pour desserrer l’étau des réglementations environnementales qui, selon eux, pèsent sur cette industrie et nuit à leur compétitivité. Tout en rappelant les efforts réalisés par la filière ces dernières années pour réduire son empreinte carbone mais aussi pour contribuer à fabriquer des produits moins énergivores (grâce, notamment aux semiconducteurs à grand gap, type GaN ou SiC), l’ESIA demande d’exclure l’industrie des semiconducteurs du champ d’application des réglementations concernant, d’une part, les restrictions d’utilisation de certains produits chimiques et matériaux, et, d’autre part, la réutilisation, le recyclage et la réparation des puces à grande échelle.
Enfin, l’association milite auprès de l’UE pour changer de braquet au niveau des initiatives en matière de recherche et d’innovation, notamment en permettant une approche plus rapide et plus flexible, mais également pour s’atteler sérieusement au problème de pénurie de main-d’œuvre.
Sur ce dernier point, l’ESIA estime entre 10 000 et 15 000 le nombre de nouveaux travailleurs qualifiés qui seront indispensables pour faire face à la construction des nouveaux sites de fabrication de semiconducteurs au cours des prochaines années en Europe. Certains experts prévoient même une pénurie de 350 000 employés dans l’ensemble de l’écosystème européen des semiconducteurs d’ici 2030. L’ESIA exhorte ainsi les institutions de l’UE à unir leurs forces à celles des États membres pour lancer une stratégie d’éducation à l’échelle de l’UE pour attirer les talents. « Ces efforts doivent cibler explicitement tous les niveaux de l’éducation, du primaire à l’université », conclut l’ESIA.