Le secteur des semiconducteurs de puissance SiC fait face à des défis de taille
Selon le cabinet d’étude Yole, après une vague d’investissements sans précédent entre 2019 et 2024, le secteur des semiconducteurs de puissance en carbure de silicium (SiC) entre dans une phase de correction qui pourrait durer jusqu’en 2027-2028, tandis que la Chine fait tout pour rattraper son retard en matière de capacités de production.
Le groupe Yole vient de publier son dernier rapport sur l’industrie des semiconducteurs de puissance en carbure de silicium (SiC), intitulé « Power SiC 2025 – Front-End Manufacturing Equipment », dans lequel le cabinet d’études propose une analyse approfondie de l’évolution de ce secteur, couvrant les indicateurs de marché, les tendances technologiques et la dynamique concurrentielle qui façonnent l’écosystème des équipements de production dédiés au SiC, de la croissance des lingots à l’épitaxie, en passant par les outils de fabrication des wafers et les équipements de test.
On y apprend que ce secteur est confronté à deux grands défis dans les années à venir. Le rapport révèle tout d’abord que l’industrie des semiconducteurs de puissance SiC entre désormais dans une phase de correction, après une vague d’investissements sans précédent entre 2019 et 2024 (les dépenses d’investissement en équipements dédiés au SiC ont culminé à environ 3 milliards en 2023, selon Yole).

© Yole Group
En cause, le ralentissement du marché automobile qui a réduit la demande de circuits SiC, transformant du même coup la chaîne d’approvisionnement. Même si Yole assure que le SiC demeure un élément central de la stratégie d’électrification, avec un marché prévisionnel de près de 10 milliards de dollars à l’horizon 2030, la baisse des taux d’utilisation des usines, la surcapacité de production et la réduction des investissements suscitent des inquiétudes chez les acteurs du secteur.
Le premier grand cycle d’investissements dans le domaine du SiC, alimenté par le boom des dépenses d’investissement de 2019-2024, a en effet engendré une importante surcapacité de production. En 2025, Yole estime ainsi que les taux d’utilisation des usines ont chuté à environ 50% pour les procédés amont et à 70% pour les lignes de fabrication de puces. Le cabinet d’études s’attend à ce que ce ralentissement se poursuive jusqu’en 2027-2028, avant que la croissance ne reprenne ses droits grâce aux plateformes de production de 200 mm et aux Mosfet à tranchée et à super-jonction de nouvelle génération.
« Le SiC est entré dans une phase de correction nécessaire. En effet, après cinq années d’investissements massifs, le marché doit absorber les capacités de production avant que de nouveaux outils et de nouvelles technologies puissent impulser une nouvelle expansion », souligne Taguhi Yeghoyan, analyste principale en technologies et marchés des équipements de production de semiconducteurs chez Yole.
La Chine fait tout pour rattraper son retard
Autre grand défi pour l’industrie des semiconducteurs SiC : « l’ascension rapide de la Chine ». Selon Yole, la majeure partie des nouveaux investissements en équipements pour le SiC se concentre en Chine continentale, où la stratégie gouvernementale encourage l’approvisionnement local. En 2024, les acteurs chinois contrôlaient déjà environ 40% de la capacité de production de wafers et de tranches épitaxiées pour le SiC, tandis qu’ils se développent rapidement dans la fabrication de puces SiC. Bien que l’écosystème local en matière d’équipements de production ne soit pas encore totalement autosuffisant, le cabinet d’études note que les fournisseurs nationaux ont réalisé des progrès significatifs dans le domaine des outils PVT (physical vapor transport) et HTCVD (high-temperature chemical vapor deposition).

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« La Chine rattrape rapidement son retard en matière de capacités de production dédiées au SiC, prévient Taguhi Yeghoyan. Les fournisseurs locaux se livrent désormais une concurrence frontale dans la croissance des cristaux de SiC et l’épitaxie, même si les grands acteurs internationaux conservent leur leadership dans l’amincissement, la métrologie et l’implantation ionique avancée. »
Pour conclure sur une note positive, Yole constate que, malgré ce ralentissement, les fabricants intégrés de semiconducteurs (IDM) tels que STMicroelectronics, Onsemi, Infineon, Wolfspeed, Rohm et Bosch, qui détiennent encore 90% du marché mondial du SiC, poursuivent leurs investissements stratégiques dans les capacités de production de SiC à partir de tranches de 200 mm et les architectures Mosfet avancées, afin de conserver leur leadership mondial malgré l’essor de l’écosystème chinois.
« Après une période d’expansion rapide, l’industrie du SiC de puissance se réajuste. Mais ce ralentissement conjoncturel sur le court terme masque une transformation profonde sur le long terme, axée sur la production de tranches de 200 mm, la localisation des chaînes d’approvisionnement et le développement de nouvelles architectures qui définiront le prochain cycle de croissance de ce secteur », assure, en guise de conclusion, Poshun Chiu, analyste principal en technologies et marchés des semiconducteurs chez Yole.


