Trois idées fausses sur l’électronique imprimée
Fin mars, ce sont tenues à Paris les 5e rencontres de l’électronique imprimée. Ce rendez-vous annuel organisé par Lagoa et l’Afelim, l’association professionnelle de cette jeune filière, a réuni cette année plus de 160 personnes, confirmant ainsi l’intérêt croissant pour ces technologies à la croisée de multiples disciplines : électronique, chimie, etc. L’occasion pour nous, à l’appui des présentations de cette journée, de balayer quelques idées fausses sur l’électronique imprimée.
1er idée fausse : l’électronique imprimée tient plus du rêve de ses promoteurs, mais elle ne rencontre pas de véritable marché
2e idée fausse : comme toujours, les Européens ont un train de retard …
3e idée fausse : l’électronique imprimée reste coincée dans les laboratoires, sans visibilité sur ses perspectives d’industrialisation
Aujourd’hui : L’électronique imprimée tient enfin sa « killer application »
Depuis déjà de nombreuses années, les entreprises se sont attachées à développer et à mettre en avant les possibilités infinies de l’offre en matière d’électronique imprimée (EI). Mais aujourd’hui la vraie chance pour enfin industrialiser tous ces développements, c’est que la demande est au rendez-vous. Les besoins créés par tout ce qui tourne autour de l’Internet des objets, du M2M, de l’industrie 4.0, du cloud computing ou du Big Data vont tirer le marché de l’EI. Ces applications réclament notamment de nouveaux de types de capteurs en très grand nombre et à des prix de revient inatteignables avec l’électronique traditionnelle sur silicium. Une chance qu’il va falloir saisir. S’il est également un domaine de l’électronique imprimée où le marché à coup-sûr se comptera à terme en dizaines de milliards de dollars, c’est celui des Oled (voir notre article dans cette édition).
De très nombreuses applications sont envisagées par l’EI, sur différents supports (plastique, papier, verre, textile, etc.). L’avantage c’est que l’impression peut se faire sur de grandes surfaces à température ambiante. On obtient ainsi un coût d’investissement d’un facteur de 50 à 100 fois moins élevé que les technologies du semiconducteur qui font le plus souvent appel à des procédés de fabrications complexes, sous vide et à haute température, rappelle Laurent Jamet, co-fondateur et directeur business développement chez Isorg. Avec l’EI, on manipule des matériaux liquides pour obtenir des produits fins (moins de 1mm), légers (quelques grammes), flexibles et conformables.
Côté demande, un signe qui ne trompe pas : tous les équipementiers automobiles ont pris contact avec les acteurs de l’électronique imprimée, assurent ces derniers, car ils souhaitent rénover les interfaces homme-machine sur le tableau de bord du véhicule : cela va de l’intégration de capteurs de proximité pour allumer le tableau de bord quand le conducteur s’en rapproche, aux systèmes de reconnaissance de gestes pour effectuer des commandes sans même l’effleurer.
Le remplacement de l’ITO dans les écrans tactiles par des nanofils d’argent est également l’un des débouchés prometteurs de l’EI régulièrement mis en avant.
Une table de cuisson avec écran Oled intégré pour suivre la recette de cuisine que l’on prépare ! Ce n’est pas de la science-fiction mais un produit en cours de développement chez Electrolux, de même que les frigos connectés avec interface homme-machine chez les fabricants d’électroménager coréens.
Des capteurs de température imprimés sur les poches de sang, des étiquettes NFC sur les bouteilles de whisky pour renseigner le consommateur sur le précieux breuvage via son smartphone, des surfaces actives pour le packaging des produits dans les magasins de détail pour déterminer par exemple dans une boutique de parfums quels sont les flacons les plus manipulés par les clientes et remplacer ainsi demain les caméras qui analysent le comportement des consommateurs, car elles sont intrusives et mal perçues par la clientèle : voilà des cas concrets, qui sont à ce jour en développement, énumère, Laurent Jamet.
Et d’ajouter le tatouage électronique (mieux que la montre) pour communiquer par NFC avec le smartphone, la peau électronique pour la robotique, les équipements de type wearable que l’on place sur la peau pour le diabète ou la surveillance des problèmes cardiaques, les lab-on-chip, etc.
Dans le domaine du photovoltaïque organique, un domaine qu’explorent pas moins de cinq acteurs en Europe (Armor, Belectric, Eight19, Disa Solar, Heliatek), il est vain d’attendre que l’organique rattrape les performances du silicium dans les cellules solaires, pour remplacer le photovoltaïque conventionnel. Même si les performances du PV organique s’améliorent (un rendement de 12% chez Heliatek, par exemple), il est préférable d’inventer de nouvelles applications pour défricher de nouveaux marchés. C’est la démarche d’Armor, explique François Barreau, directeur marketing de l’ETI qui développe des chargeurs solaires enroulables et déroulables, une signalétique par éclairage pour baliser les parcours dans les villes, du mobilier urbain, des enveloppes de bâtiment intelligent, etc. Tout est mis en œuvre pour tirer parti des caractéristiques unique du photovoltaïque sur film polyester : flexibilité, légèreté, couleur, transparence.
Pour Hervé Rouher, président de l’ATEP, l’organisation professionnelle des industries graphiques, l’impression des composants électroniques représente une opportunité pour conquérir de nouveaux marchés ayant une forte valeur ajoutée (par exemple, des papiers peints intelligents électro-filtrants pour absorber les ondes Wi-Fi). Cependant, il reste encore de nombreux progrès à accomplir pour garantir l’essor ces nouvelles technologies. Subsistent des problèmes d’impression et de formulation : il un a un gap entre le labo et l’industrialisation. Il existe des problèmes de migration des encres dans les aliments qui pourront être résolus par l’impression de couches de protection sur les étiquettes des emballages. Se pose également le problème du recyclage des emballages (présence de traces de métaux).
Des électrodes dans le cerveau pour piloter des drones par la pensée
D’autres applications paraissent aujourd’hui plus futuristes. Elles n’en font pas moins l’objet d’intenses travaux de recherche. C’est notamment le cas de ceux du Professeur Christophe Bernard, directeur de recherche à l’Inserm. Pour enregistrer et contrôler l’activité des neurones afin de comprendre le fonctionnement du cerveau et ses pathologies, il a, avec son équipe, développé des électrodes implantables dans le cerveau, 100% biocompatibles, ultrafines (4 µm), flexibles, dont les sites d’enregistrements sont constitués de transistors organiques. Ces dispositifs pourraient constituer le standard des interfaces homme-machine de demain.
L’espoir est que cette technique permette un jour au patient de piloter son exosquelette, remarcher, faire fonctionner par la pensée une main artificielle. Autres applications visées par les recherches mondiales dans ce domaine : piloter des drones par la pensée. Des obstacles réglementaires seront encore à franchir. Pas tant pour les électrodes posées à la surface du cerveau (d’ici deux ans, elles pourraient être mises sur le marché) que celles implantées directement dans le cerveau. Pour l’instant, une version implantable dans le cerveau de l’animal a été testée, et les premiers tests chez l’homme vont démarrer rapidement. Avant que la pratique ne soit autorisée, il faudra toutefois également garantir à ces électrodes implantables une durée de vie de 20 à 30 ans.
Demain | Electronique imprimée : l’heure des usines a enfin sonné
Non, les Européens ne sont pas en retard